Syndicalisme et luttes politiques (Editorial n°81)

La menace terroriste est exploitée pour fomenter le nationalisme et inciter la population à faire bloc autour du gouvernement. La présence d’une menace extérieure tend à discipliner la société et décourager la contestation. Elle peut dissimuler pendant un temps les contradictions de classe qui traversent la société, mais elle ne les abolit pas pour autant.

La preuve que l’union nationale n’est qu’un leurre est donnée par le gouvernement lui-même. Il ne représente pas la « nation ». Il gouverne dans l’intérêt exclusif des capitalistes et des riches. Il a déclaré la guerre aux conquêtes sociales incorporées dans le Code du Travail. Il envoie les CRS pour matraquer les manifestants. La Loi El Khomri est un catalogue des revendications du patronat, des spéculateurs, des banques, de l’ensemble des capitalistes. Son imposition sera suivie d’autres lois réactionnaires. Chaque « réforme » successive n’est qu’une étape vers la réduction à néant des obstacles à la voracité capitaliste.

Pratiquement toutes les mesures sociales et économiques des gouvernements – celui de Sarkozy comme celui de Hollande – ont eu pour justification la croissance économique et la création d’emplois. Pour quel résultat ? Huit ans de stagnation économique et cinq millions de personnes sans travail ! Regardez aussi l’état de nos hôpitaux, le délabrement des services publics, la dégradation progressive de la Sécurité Sociale et de l’accès aux soins, sans parler de l’installation de ghettos misérables au milieu de nos villes, ou encore le traitement des plus démunis et sans-abri. Nos maisons de retraite, qui devaient assurer une fin de vie digne et aussi épanouissante que possible aux personnes âgées, sont des lieux où le pillage financier et l’abus de faiblesse des résidents sont en passe de devenir la norme.

La présidence, les ministères, les parlements, les médias, la police et les tribunaux sont mobilisés pour forcer le passage de cette « austérité » qui appauvrit tout le monde sauf les riches. La classe dominante sait ce qu’elle veut et met tout en œuvre pour y parvenir. Elle est à l’offensive. La résistance est punie. Des syndicalistes poussés à bout sont incarcérés, classés comme des voyous.

Dommage que l’esprit de révolte que l’on trouve à la base du mouvement syndical ne se reflète pas toujours au sommet. Si les organisations des travailleurs n’ont pas un programme qui fasse peur aux capitalistes, si elles n’ont pas de dirigeants fiables et éprouvés dans la lutte, elles seront constamment jetées sur la défensive, dans une posture de dénonciation, de protestation, d’indignation – mais en fin de compte d’impuissance. Pire encore, les plus indignes des chefs syndicaux, comme ceux qui dirigent la CFDT, luttent contre leur propre camp. Ils sont clairement du côté du gouvernement et des capitalistes.

Nous sommes donc engagés dans une bataille très inégale. Les capitalistes sont peu nombreux, mais ils sont riches et puissants. Ils ont l’appareil gouvernemental et étatique de leur côté. Ils disposent de très grands moyens de communication et de répression. Peut-on sérieusement imaginer combattre un adversaire de classe aussi puissant au moyen de luttes syndicales souvent bien menées, mais presque toujours sporadiques et isolées ? Malgré le radicalisme des déclarations qui ont marqué sa clôture, le congrès de la CGT n’a pas apporté de réponse à ce problème. Il faudrait donc préparer une grève générale reconductible, selon la direction de la CGT. Mais cela consiste en quoi, cette préparation ?

Si ce ne sont que des mots, une grève générale signifierait que plusieurs millions de salariés, dans le public et le privé, quittent leur poste de travail et bloquent l’économie nationale. Clairement, avant d’être un problème de préparation pratique, un tel événement nécessiterait surtout une préparation en idées, en objectifs. Une grève générale pour le seul retrait de la loi El Khomri est une perspective hautement improbable. Cela ne suffit pas pour inspirer et mobiliser des travailleurs. Beaucoup d’entre eux sont déjà et depuis longtemps dans la précarité que la loi veut légitimer, et s’engager dans une grève illimitée contre le gouvernement signifierait d’emblée la perte de leur emploi. Les travailleurs savent que leurs difficultés ne datent pas de cette loi. Ils sentent qu’elles ont des causes bien plus générales et plus profondes.

C’est pourquoi le mouvement syndical a besoin de compléter sa plateforme revendicative en ouvrant la perspective d’une société socialiste, libérée du pouvoir de la Bourse et de la classe capitaliste en général. On nous dit que ceci serait « politiser » le syndicalisme. C’est un faux problème. La lutte contre la loi El Khomri, les luttes pour décriminaliser le syndicalisme ou pour défendre les services publics sont toutes des luttes politiques. Pourquoi réclamer la nationalisation d’une entreprise serait politique alors qu’accepter la propriété capitaliste de l’entreprise ne le serait pas ?

G.O.

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