La lutte contre la loi El Khomri

Loi après loi, le gouvernement dit « socialiste » montre sa véritable nature. Il s’agit d’un gouvernement de combat contre les travailleurs prenant un caractère ouvertement réactionnaire. Les revendications du MEDEF sont à la base de ses projets de loi. Il s’agit pour la classe capitaliste de détruire tout obstacle à sa course au profit dans une situation de crise, où la contraction de l’économie laisse paraître aux yeux de tous que les intérêts capitalistes entrent frontalement en confrontation avec l’intérêt général, les intérêts des travailleurs. Il ne s’agit ni plus ni moins de la lutte des classes qui pour le moment est menée par la classe capitaliste.

Le projet de loi travail, appelé loi El Khomri, est un énième projet permettant l’assouplissement du marché du travail pour le patronat, au prix de plus de précarité pour les salariés et les chercheurs d’emploi. Pour le mouvement ouvrier, le Code du Travail est emblématique de tous ces acquis sociaux arrachés de haute lutte. Concrètement, il a permis de protéger les travailleurs des abus patronaux les plus flagrants.

Le capitalisme est entré dans une phase de pourrissement particulièrement palpable depuis l’éclatement de la crise de 2008. La classe capitaliste affiche une agressivité sans bornes. L’économie oscille entre récession et stagnation, malgré toutes les politiques de dérégulation et d’austérité qui seraient, nous dit-on, le moyen de retrouver la croissance par la relance de l’activité. Le gouvernement s’aligne sur l’idéologie du MEDEF qui pointe du doigt le Code du Travail comme le dernier obstacle à la « libération des énergies ». La doctrine du gouvernement est de s’en remettre totalement aux capitalistes afin de retrouver la croissance dans un système pétri de contradictions.

Le mouvement syndical

Ce projet de loi concocté conjointement par le gouvernement Hollande-Valls et le MEDEF aura eu le mérite, de par son caractère antisocial, d’éveiller une vague de contestation. Durant l’année 2015, il y eut un nombre important de manifestations, organisées notamment par la CGT, contre la politique du gouvernement et les lois mises en œuvre. Mais force était de constater que la mobilisation n’était pas suffisante, en 2015, pour emporter la lutte. Le rapport de forces était trop faible pour inquiéter le gouvernement et le MEDEF. Déjà dès cette époque à la CGT, on pouvait entendre dans différentes fédérations, lors d’assemblées, la nécessité d’une grève générale. Ce mot d’ordre n’est pas surprenant. La situation sociale et économique, l’attitude de la classe capitaliste destructrice de tout acquis social et sa surdité face au mécontentement général, ne font qu’amplifier l’affrontement de classe qui s’opère sous nos yeux.

Face à une classe capitaliste arc-boutée sur la défense de ses intérêts et un gouvernement à ses ordres, il n’y a pas d’autre choix que d’utiliser des méthodes à la hauteur de la situation. La grève générale en est une, mais elle ne se décrète pas. Il faut une conjonction de facteurs objectifs et subjectifs. Il faut d’un côté une exaspération générale, une situation qui éveille la colère des salariés à une échelle massive, et de l’autre une préparation et des perspectives de la part des organisations syndicales. Un des obstacles à la grève générale est que dans les circonstances que l’on connaît (la précarité, le chômage, la régression sociale…), il s’agit d’un sacrifice financier pour nombre de salariés pour un résultat incertain, sans parler du risque de représailles de la part des employeurs.

L’autre obstacle, le principal à notre sens, est le manque de perspectives de la direction confédérale qui ne propose aucune alternative au système capitaliste et s’en tient uniquement à des revendications de progrès social et davantage de démocratie dans les entreprises. Certes, il est nécessaire d’aller dans ce sens mais en ayant une perspective révolutionnaire. Sinon les travailleurs peuvent ressentir une forme de fatalisme face à leur situation. Ils ne voient pas d’alternative possible, comme si le capitalisme était le dernier système économique de la civilisation humaine.

Malgré tout, la CGT reste la bête noire de la classe capitaliste. Elle a un potentiel de mobilisation suffisamment conséquent pour menacer la classe capitaliste, pour peu que ses orientations et sa stratégie mettent en exergue le principal obstacle à tout progrès : la propriété privée des moyens de production et d’échange. Il y a un acharnement du pouvoir contre les militants syndicaux qui se battent, une véritable criminalisation de l’action syndicale (comme pour les camarades de Goodyear). Il suffit de voir le traitement médiatique de la CGT pour s’en convaincre. Les médias s’offusquent du durcissement qui s’opère dans la CGT et tentent de la discréditer comme étant « dépassée par le mouvement Nuit Debout dans la rue, et par la CFDT dans les entreprises ».

Effectivement, le gouvernement préférerait avoir comme interlocuteur la CFDT, beaucoup plus encline à « négocier le poids des chaines », comme on peut l’entendre dans les cortèges ou dans les milieux militants. Tout est fait pour faire la promotion de la CFDT afin qu’elle puisse passer première organisation syndicale devant la CGT et affaiblir cette dernière au point qu’elle ne soit plus un obstacle à la casse sociale. Mais les commentateurs à la solde du capital oublient de signaler ce qui se passe à l’intérieur même de la CFDT, dont la direction est prête à signer le texte. Laurent Berger, secrétaire national du syndicat, estime que depuis la réécriture (à la marge) le projet de loi travail est « CFDT compatible ». Mais il existe une certaine résistance à la base qui demande le retrait pur et simple du projet de loi, en témoigne la présence de quelques militants dans les cortèges lors des journées d’action, ou encore les multiples lettres de protestation adressées à la direction confédérale. Il y a une contestation à la base qui ne sera pas sans conséquence, et qui pourrait finir par affaiblir l’organisation privilégiée du gouvernement. Dans un contexte où la lutte des classes prend un caractère aigu, la CFDT pourra compter sur le soutien de la classe capitaliste et du gouvernement. Elle est devenue une soupape de sécurité pour la mise en place de politiques de régression sociale.

La jeunesse, l’occupation des places et la violence

Avec la mobilisation contre la loi El Khomri, la jeunesse étudiante et lycéenne organisée (UNEF, UNL etc.) et « non organisée » ne s’est jamais autant mobilisée depuis le mouvement contre le CPE (contrat première embauche) en 2006. Elle a même poussé les directions syndicales à organiser une journée de mobilisation le 9 mars, avant celle du 31 mars initialement prévue. La jeunesse se préoccupe de son avenir. Elle est non seulement confrontée à la précarité étudiante. Mais au moment d’entrer sur le marché du travail, sa situation est loin de s’améliorer, 25% des jeunes de moins de 25 ans étant au chômage. Le système capitaliste ne lui laisse aucun espoir, et ce gouvernement enfonce le clou. Il ne s’agit pas uniquement d’une révolte contre une loi, mais d’une contestation d’un système moribond. La jeunesse est souvent l’étincelle de grands mouvements sociaux. La forte mobilisation de la jeunesse en 2006, soutenue par les organisations syndicales et les partis de gauche, avait contraint le gouvernement de Villepin à abroger la loi mettant en place le CPE.

Au soir du 31 mars a émergé une forme de lutte qui diffère des méthodes traditionnelles des organisations syndicales. Depuis cette date, place de la République, nous assistons à l’occupation des lieux par ce qui s’appelle Nuit Débout et qui s’est étendu à d’autres villes de France. Ses inspirateurs expliquent qu’il s’agit d’un mouvement non issu des organisations traditionnelles, une sorte de mouvement « spontané ». Les participants à ces soirées débats sur la place publique disent tous qu’au-delà de la loi El Khomri un changement profond s’impose dans la société. On y retrouve des « non encartés » mais aussi des militants politiques et syndicaux. Ce mouvement a émergé sous la contrainte d’un système qui n’offre aucun avenir, et s’explique aussi par l’incapacité des organisations du mouvement ouvrier à offrir une alternative au système capitaliste, brisant la mainmise des capitalistes sur l’économie. Un certain nombre d’entre eux est à la recherche d’une voie que n’offrent pas les organisations de masse.

Mais d’ores et déjà, des dissensions se font connaitre entre les partisans de ce « mouvement spontané » en dehors de toute organisation politique et syndicale, et ceux qui prônent un rapprochement avec ces organisations. Quels que soient les avis sur cette question, tous sont motivés par l’aspiration à une société plus démocratique et par le besoin de faire entendre la voix du peuple contre les forces qui nous gouvernent sur le plan politique et économique. L’aspiration à plus de démocratie se heurtera toujours à l’obstacle du pouvoir économique. Là est le cœur du problème. Des modifications constitutionnelles ne peuvent pas briser le pouvoir économique et politique de la classe capitaliste, contrairement à ce prétendent l’économiste Fréderic Lordon ou le militant Étienne Chouard. Il faut avant tout l’adhésion de la jeunesse et du salariat à un programme qui touche au cœur du système – la propriété capitaliste – et prévoit l’expropriation des capitalistes, plaçant l’économie sous contrôle démocratique des travailleurs. Le pouvoir politique et les constitutions qui en découlent sont conditionnés par le pouvoir économique.

La transformation d’un régime économique par un autre ne peut être que le fait d’une révolution sociale, consciente et organisée, dont la jeunesse peut être l’étincelle, et le salariat la force motrice. La classe capitaliste est extrêmement organisée. Elle a des partis, un gouvernement et un appareil répressif à ses ordres. Ce sont autant d’obstacles auxquels le mouvement devra faire face.

Le gouvernement tente de désamorcer la contestation de sa politique. Voyant une jeunesse révoltée, il a annoncé un plan de 11 mesures en faveur des jeunes dont on ne connait pas, à l’heure actuelle, les sources de financement. Il espère ainsi calmer les organisations de jeunesse et affaiblir le mouvement. De l’autre côté, il tente de présenter à l’opinion publique l’image d’un mouvement violent fait de « casseurs », d’un mouvement qui serait une menace à la sécurité intérieure dans un contexte d’État d’urgence. Il existe des groupes « ultra-gauchistes » – qui veulent en découdre avec les forces de l’ordre (« la police du capital ») et le pouvoir financier représenté par les agences bancaires – qui se jettent contre les boucliers des CRS. Le pouvoir n’hésite pas à les utiliser à leur insu. Selon la CGT Police, des instructions ont été données pour les laisser agir. Les forces de l’ordre n’hésiteront pas à attiser le feu pour discréditer le mouvement. Les manifestations ont mis en lumière la violence policière qui s’abat sur la jeunesse. Si le but est l’intimidation par la violence, le résultat ne peut en être qu’une défiance toujours plus grande des manifestants face à une police gangrénée par des éléments fascistes arborant des insignes et symboles qui ne laissent plus de doute sur leurs convictions politiques.

Un programme à la hauteur de la situation

Pour espérer en finir avec les lois réactionnaires et passer à l’offensive face au capitalisme, une grève générale reconductible serait nécessaire. Mais la préparation d’une telle grève implique l’adhésion d’une masse de salariés importante. Le réformisme, qui prétend pouvoir guérir les infirmités du capitalisme au moyen de modifications superficielles et sans toucher à la position dominante des capitalistes, n’obtiendra pas cette adhésion. Un programme de rupture avec le capitalisme, pour la nationalisation des grands leviers de l’économie, sous le contrôle démocratique des travailleurs, contribuerait à l’émergence d’un véritable mouvement de masse capable d’en finir avec l’austérité et d’ouvrir enfin la perspective d’une société socialiste.

Gauthier Hordel, CGT 76, et PCF Rouen

 

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