Le département du Président en lutte…

Il y a des départements où l’on ne souhaite pas qu’il y ait du bruit. C’est le cas de la Corrèze, le département du Président ! Il ferait mauvais genre, dans les salons feutrés et les journaux inféodés, que le département qui avait voté à presque 65% pour Hollande fasse des vagues contre sa politique ! Pourtant, la mobilisation contre la loi travail y est important et de nombreuses actions y ont lieu. Le 29 avril, les manifestants ont brûlé un cercueil et l’effigie de Hollande grimée en Louis XVI, juste en dessous de la mairie de Tulle, ancienne « possession » hollandaise. Lors de celle du 12 mai, la permanence du député corrézien à Tulle, fidèle Hollandais, a été murée. La cour de la mairie a été régulièrement occupée. Le conseil municipal de Tulle et le conseil communautaire ont été envahis. Les Nuits Debout ont investi la place de la cathédrale où Hollande avait fait son discours juste après son élection et chaque samedi, depuis sept semaines, plus d’une centaine de personnes s’y retrouvent.

Tout ceci n’est pas anodin. Le département et la ville de Tulle servaient de piste de lancement au candidat Hollande. Il y faisait des scores remarquables. Il avait créé des liens relevant plus de l’idolâtrie que de la politique, en usant de tous les artifices politiciens. Il a créé un réseau d’influence solide basé sur un clientélisme flagrant, plaçant partout des « amis » qui lui étaient redevables. Malgré cela, les travailleurs de Tulle et du département se mobilisent massivement contre la régression sociale de la loi El Khomri. Même si on sent toujours le poids du symbole, il n’en reste pas moins que les manifestations et les actions que nous avons menées n’ont rien à envier à ce qui se passe ailleurs !

Pourtant, rien ne transparaît au-delà des « frontières » limousines ! Le préfet, qui a reçu les organisations syndicales, notamment CGT, lors de sa prise de fonction en début d’année, a largement laissé comprendre qu’il était là pour « apaiser » les tensions. Son rôle est éminemment politique. Il doit faire en sorte que le département présidentiel paraisse calme et sans heurts, une sorte de futur havre de paix pour un président qui sera peut-être bientôt en retraite ! Malheureusement pour lui — et heureusement pour la lutte — ce n’est pas le cas ! L’apaisement n’étant plus possible par la « compréhension » du préfet, il opte désormais pour la répression.

Ainsi, le samedi 21 mai, lorsque le ministre-sinistre Macron était en voyage à Egletons en Corrèze, l’occasion était trop belle et l’UD CGT de Corrèze ne pouvait pas la rater pour faire entendre  entendre la voix des salariés et pas celle de Jeanne d’Arc ! C’est ainsi que 150 manifestants (CGT, SUD, Nuits Debout etc.) se sont rassemblés pour lui faire face. Le préfet avait autorisé la manifestation à condition que nous restions parqués dans un enclos. Mais refusant d’être des moutons, les manifestants ont décidé de se rendre sur le lieu de la première intervention de Macron.En arrivant sur place, ils ont été repoussés par les gendarmes mobiles et une petite clique de patrons des travaux publics. Nous sommes donc repartis vers le second lieu où Macron devait disserter et nous désaltérer à nos frais. En l’attendant, nous avons mis de la musique. Mais le déploiement des gendarmes mobiles, avec casques et boucliers, nous a fait comprendre que le carrosse du Petit Prince du capital en marche s’approchait. C’est alors qu’il y a eu une déclaration assez forte pour que nos voix soient bien audibles ! Et puis on commençait à plier nos drapeaux et ranger la sono pour rentrer paisiblement chez nous. C’était sans compter sur l’agacement du préfet, qui a décidé d’utiliser les 200 gendarmes mobiles pour nous bloquer et nous empêcher de rentrer !

Cette fois-ci, nous étions bel et bien parqués comme des moutons, surveillés par la soldatesque pendant trois heures. Sous un fort soleil, nous avons été retenus manu militari dans un espace sans ombre et sans eau. Ce n’est qu’après que monseigneur Macron eut fini de se sustenter, que nous avons pu sortir. A cette véritable séquestration se rajoute le cynisme du préfet, acceptant de laisser sortir seulement les militants CGT ! En clair, après nous avoir parqués, il nous demandait de « faire le tri » ! Sans aucune hésitation, la CGT a refusé cette ignominie et a décidé que tout le monde était militant des militants de la CGT, ou alors personne ! Oui, les forces de l’ordre sont à la botte du pouvoir. Et même si, pour cela, elles ne respectent pas la loi. Le pouvoir n’en a que faire des lois quand il faut se défendre face à la contestation. Pour les pacifistes à tout crin, les coups de matraque reçus sans raison n’ont pas fait que leur ouvrir la lèvre. Cela leur a permis d’ouvrir les yeux sur ce qu’est la violence d’État. En trois heures de séquestration, la leçon fut comprise !

L’État est là pour protéger les intérêts des puissants… et peu importe la loi ! L’important était que sieur Macron puisse parler aux journalistes en laissant croire qu’il est le bienvenu partout, et surtout en Corrèze, patrie du président ! C’est ainsi qu’on arrange la vérité, en « gommant » ce qu’il n’est pas convenable de montrer.

Les militants retenus, ainsi que l’UD CGT de Corrèze et l’UL CGT de Tulle, vont porter plainte. Cet épisode est loin de refroidir les militants corréziens présents. Bien au contraire, leur détermination est plus forte que jamais.

Sylvain Roch, militant CGT 19 séquestré.

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