Contre l’Etat d’urgence et la guerre – Pour une politique communiste au PCF

Après comme avant les attentats du 13 novembre, la France est en pleine régression sociale.

Après comme avant, la société est divisée en classes antagonistes aux intérêts inconciliables. L’effroi provoqué par le terrorisme ne change rien à ce conflit de classes, mais il tend à l’occulter dans la conscience populaire. Les représentants de l’ordre établi, jusqu’alors largement détestés et discrédités, prennent subitement l’allure de protecteurs et de champions. Le matraquage médiatique façonne un « consensus » pour la guerre et l’État d’urgence. Le rapport de force se décale en faveur de la classe dirigeante.

L’État d’urgence signifie que le pouvoir répressif de l’État est renforcé.

Juges, avocats, droits des citoyens, devenus encombrants, sont écartés des procédures. Ostensiblement mis en place pour contrer le terrorisme, l’État d’urgence supprime de nombreux droits démocratiques pour tous. L’interdiction des manifestations entrave l’action du mouvement ouvrier. Les assignations à résidence arbitraires renforcent l’arsenal répressif de l’Etat contre toute protestation ou résistance populaire. Les perquisitions à domicile fracassent les portes en pleine nuit, brutalisant hommes, femmes et enfants. La destruction des conquêtes sociales s’accompagne désormais de la suppression des conquêtes démocratiques. Le régime politique évolue vers une forme de bonapartisme parlementaire.

L’imposition de ce régime était d’autant plus facile qu’elle n’a rencontré pratiquement aucune opposition parlementaire.

Que les parlementaires du Parti Socialiste (à quelques rares exceptions), les « Républicains » et le Front National votent pour les lois d’exception n’a rien d’inattendu. Le Front National y voit, à juste titre, un pas vers la réalisation de ses objectifs autoritaires. Mais que la direction nationale et tous les députés du PCF apportent leur soutien à ce dispositif réactionnaire est totalement inacceptable. Le vote en faveur de l’Etat d’urgence de la part des députés communistes porte gravement préjudice au parti et à la cause qu’il défend. La base du parti – massivement opposée à l’Etat d’urgence – doit se faire entendre pour corriger cette dérive. Nous devons engager le parti tout entier dans la lutte contre l’Etat d’urgence, contre la guerre et contre la politique réactionnaire de Hollande. La politique extérieure du gouvernement n’est qu’une extension de sa politique intérieure. Sur les plans militaire et diplomatique, comme sur les plans social et économique, il défend les intérêts réactionnaires de la classe capitaliste.

La guerre

Hollande ne cesse de répéter que la France est en guerre, désormais. Il qualifie les attentats d’« actes de guerre », comme si les bombardements d’Irak et de Syrie qui les avaient précédés n’en étaient pas. La France est impliquée dans la guerre depuis bien avant les attentats du 13 novembre. Cependant, les bombardements ménageaient Daesh, particulièrement en Syrie. Ceci ne devait rien au hasard. Le but de l’intervention française n’était pas de lutter contre Daesh, mais de renverser le régime de Bachar Al-Assad. Dans ce combat, les armées d’Al-Qaida et d’Al-Nosra, rebaptisées « opposition modérée » pour l’occasion, étaient et sont toujours ses alliés. Daesh et Al-Nosra sont des branches rivales d’un même mouvement de fanatiques fascistes. Sous des étiquettes diverses, ces organisations sont actives dans de nombreux pays, notamment du Moyen-Orient et d’Afrique. A chaque fois que les puissances occidentales, dont la France, y voient un intérêt, elles leur fournissent armements, véhicules, soutien logistique, systèmes de renseignement, formations militaires et ressources financières, comme ce fut le cas en Libye et puis en Syrie.

Hollande prétend vouloir former une « grande coalition » pour « détruire Daesh ». Cette coalition ne verra jamais le jour et Hollande le sait pertinemment. Au moins deux coalitions sont à l’œuvre en Syrie et en Irak. La guerre dans cette région est avant tout une guerre entre elles, pour l’extension de leurs sphères d’influence respectives et la mainmise sur les oléoducs débouchant sur la Méditerranée. Demander à Poutine d’appuyer les objectifs militaires de la France et des États-Unis revient à lui demander de faire la guerre contre lui-même. Les États-Unis et l’Union Européenne appliquent des sanctions économiques à la Russie. En Ukraine, les puissances occidentales font la guerre contre la Russie par armées locales interposées. La France a vivement dénoncé les frappes russes contre Al-Nosra, son allié sur le terrain. L’Arabie Saoudite et le Qatar ne veulent pas trop contenir Daesh, par peur de renforcer l’Iran et l’État syrien. La Turquie ne fera rien de sérieux contre Daesh pour ne pas aider les Kurdes. Membre de l’OTAN, elle achète des quantités importantes de pétrole à Daesh. Le fait que la Turquie ait récemment abattu un avion militaire russe en dit long sur les relations tendues entre les deux pays. Ainsi, la « grande coalition » n’aura pas lieu. Les démarches diplomatiques de l’Élysée dans ce sens ne sont qu’une imposture cynique pour rehausser son image en exploitant la crédulité du public.

Ce n’est pas dans l’intérêt des puissances occidentales de « détruire Daesh ».

Sa présence en Syrie comme celle d’Al-Qaida et Al-Nosra, est dans leur intérêt. Il en va de même pour leurs alliés régionaux comme la Turquie, l’Arabie Saoudite, le Qatar, les Émirats Arabes Unis, le Koweït, Israël, etc. Aucun de ces pays n’a intérêt à ce que Daesh soit complètement détruit, car cela se traduirait inéluctablement par le renforcement du régime syrien et des zones d’influence de la Russie et de l’Iran. Pour le gouvernement turc, une défaite décisive de Daesh renforcerait la position territoriale et militaire du PKK, qui prendrait toutes les zones kurdes en Syrie et en Irak actuellement tenues par Daesh. Les objectifs poursuivis par le Pentagone et Hollande ne sont pas ce qu’ils prétendent.  Il est vrai que les États-Unis, la France, la Turquie et Israël veulent réduire les capacités militaires de Daesh. Ils ne veulent pas qu’il s’empare de Damas. Mais la « guerre contre le terrorisme » s’arrête là. L’État Islamique doit conserver une base territoriale suffisamment importante pour pouvoir contribuer à l’affaiblissement du régime de Bachar Al-Assad. C’est pour la même raison que les puissances occidentales appuient d’Al-Nosra et Al-Qaida. La seule différence entre les psychopathes « alliés » et ceux de Daesh est qu’ils évitent de publier les vidéos de leurs exactions, pour ne pas gêner leurs bailleurs de fonds occidentaux.

 

Malgré la rhétorique mensongère du Président de la République, il est tout bonnement impossible de « détruire Daesh » au moyen de frappes aériennes. Cela ne signifierait rien de moins que l’anéantissement total de Mossoul, Raqqa et bien d’autres villes, provoquant la mort de plusieurs dizaines de milliers d’hommes, femmes et enfants. Les frappes aériennes auront un certain impact et pourront réduire la base territoriale de Daesh. Mais loin d’atténuer le risque d’attentats en France, l’intervention française en Irak et en Syrie – qui sème la mort et la destruction bien au-delà des « armées terroristes » –  produira encore plus de fanatiques fascistes prêts à tout. La base sociale de Daesh est le résultat de plusieurs décennies de déstabilisations, de bombardements et d’invasions de la part des puissances occidentales. Cette guerre n’arrêtera pas le terrorisme.

La direction du PCF n’aurait pas dû s’associer à la manipulation de l’opinion publique au sujet de cette guerre.

Son devoir était de s’opposer à toute intervention impérialiste en Syrie, démonter point par point la propagande de l’Élysée et expliquer les véritables objectifs que celui-ci cherche à dissimuler. En joignant leurs voix au chœur gouvernemental et médiatique en faveur de la « grande coalition », les dirigeants du parti se sont rendus complices des manœuvres présidentielles.

Dans son intervention du 16 novembre au Congrès de Versailles, Éliane Assassi, présidente du groupe communiste au Sénat, a plaidé pour la formation d’« une large coalition internationale, sous l’égide de l’ONU ». La fascination qu’exerce cette institution sur les instances dirigeantes du parti a quelque chose de déconcertant. Les États-Unis et la Russie ne jouent pas un rôle progressiste dans les affaires du monde, pas plus que les autres pays impérialistes qui ravagent la planète. Et pourtant, il semblerait que lorsqu’on place leurs  représentants dans une salle sous le logo de l’ONU, ils se transforment comme par enchantement en une force pour la paix et la justice ! En réalité, l’ONU est une institution impérialiste sous le contrôle des grandes puissances. L’ONU a organisé des guerres, des occupations militaires et des embargos. Les embargos peuvent être encore plus meurtriers que des guerres. Selon l’UNICEF, l’embargo contre l’Irak de 1990-2002 a coûté la vie à 500 000 personnes, dont une majorité d’enfants. En ce qui concerne la Syrie, les intérêts inconciliables des grandes puissances font que, cette fois-ci, le drapeau de l’ONU ne peut pas servir à couvrir leurs pillages et destructions.

État d’urgence et nationalisme

Depuis toujours, les régimes d’exception, mis en place sous prétexte de lutte antiterroriste, se retournent contre les citoyens et contre le mouvement ouvrier. En Grande-Bretagne, les lois spéciales adoptées au nom de la lutte contre le terrorisme irlandais ont servi contre la grève des mineurs de 1984-85 et contre d’autres travailleurs en grève. C’était la même chose en France pendant la guerre d’Algérie.

L’État d’urgence prévoit la possibilité d’interdire tout rassemblement sur la voie publique. N’importe quelle manifestation peut être interdite pour « raisons de sécurité ». On a le droit de s’entasser dans le métro ou dans des trains surchargés. On a le droit de remplir les grandes surfaces et les marchés de Noël. Mais pour des « raisons de sécurité », les manifestations syndicales et revendicatives sont interdites. Les préfets peuvent ordonner des perquisitions en dehors de tout contrôle judiciaire. Ces perquisitions ont déjà donné lieu à de nombreuses violences policières gratuites, aux saccages de foyers et d’autres abus. Des dizaines de récits des infractions, humiliations, injures, violences physiques et blessures concernant des citoyens qui n’ont rien à se reprocher sont parus sur internet et dans la presse. Des associations ou autres organisations peuvent être arbitrairement dissoutes si elles « portent atteinte à l’ordre public ». Le champ d’application de ces pouvoirs arbitraires est bien plus large que de la « lutte contre le terrorisme ». Ils constituent une menace contre toute organisation qui remet en cause la politique du gouvernement ou l’action des forces de l’ordre. Il est aussi question de recourir à des déchéances de nationalité. Si jamais le Front National arrive au pouvoir, l’État urgence actuel aura créé un précédent qui facilitera sa tâche. En exploitant la peur et la colère provoquées par les attentats, le gouvernement a fait un pas vers l’instauration d’un régime dans lequel l’appareil policier et militaire, ainsi que les services secrets, monte en puissance au détriment des sauvegardes, droits et contre-pouvoirs qui forment l’apanage d’un régime parlementaire et démocratique. La « lutte contre le terrorisme » est le Cheval de Troie qui nous mène sur le chemin du bonapartisme parlementaire.

A la différence des peuples du Moyen-Orient ou d’Afrique, la population française de notre époque n’a pas l’habitude des massacres. Les attentats dirigés contre « la France » allaient nécessairement provoquer des réactions nationalistes, racistes, répressives et bellicistes. Le gouvernement prône l’« union nationale » et met la population en garde contre ceux qui voudraient « diviser la communauté nationale ». Il propage l’idée que la société française tout entière doit faire bloc contre l’ennemi extérieur. Pendant que l’attention du public est fixée sur cet ennemi, les marchands d’armes se frottent les mains et la caravane de la régression sociale passe avec plus de facilité. En réalité, personne n’a besoin de diviser la « communauté française ». Elle est déjà divisée en classes et soumise aux intérêts égoïstes de la classe capitaliste, qui continue d’amasser des fortunes immenses pendant que la majorité subira l’« austérité ». C’est précisément en occultant cette réalité que le nationalisme rend service à la classe dominante. Le nationalisme constitue le ciment idéologique de l’adhésion à la guerre et aux lois répressives. Nous devons y résister de toutes nos forces.

Le PCF doit être en première ligne de la lutte contre l’État d’urgence et contre la guerre. Les instances dirigeantes du parti devraient exiger que les députés communistes retirent immédiatement leur soutien à l’État d’urgence. Nous devons exiger la restauration de tous les droits démocratiques qui ont été supprimés et  nous opposer à la participation française dans la guerre. Face à l’État d’urgence et à la guerre, le PCF a besoin d’une politique communiste !

Greg Oxley

PCF Paris

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One thought on “Contre l’Etat d’urgence et la guerre – Pour une politique communiste au PCF

  1. Une politique communiste ça veut dire revenir aux fondamentaux, donc il faut revenir au marxisme, malheureusement depuis le passage de Robert Hue à la tête du parti on a oublié le marxisme, ce qui fait que Pierre Laurent à soutenu Syrisa en Grèce et que depuis les grecs sont en train de vendre tous leurs biens public surtout en plus aux Allemands.

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