Austérité municipale : Liverpool en lutte, 1983

Comment résister à la réduction des moyens financiers des municipalités ?

Une expérience historique importante, à la ville de Liverpool, dans la Grande-Bretagne des années 1980, nous fournit un bel exemple de lutte contre l’austérité municipale.  Le conseil municipal travailliste de Liverpool, élu en mai 1983 sur la base d’un programme radical – construction de 6000 logements sociaux et rénovation ou démolition des logements délabrés, réduction des loyers, introduction d’un salaire minimum et de la semaine de 35 heures pour les travailleurs municipaux et la création de mille emplois – s’est trouvé confronté à la réduction de la dotation financière imposée par Margaret Thatcher. Le gouvernement avait fixé une limite aux budgets municipaux. Pour Liverpool, cette limite était de 212 millions de livres. 270 millions de livres avaient été « volés » par les réductions de dotation successives depuis 1979.

En définitive, les élus travaillistes – appartenant pour plusieurs d’entre eux à la tendance marxiste du Parti Travailliste autour du journal Militant – devaient obtenir des concessions importantes de la « Dame de Fer » ou alors renoncer au programme de réforme sociale sur lequel ils avaient mené campagne. Respecter les contraintes budgétaires fixées par Thatcher signifiait la suppression de 5000 emplois municipaux et une augmentation de 170% des impôts locaux ! Le manque à gagner pour la mise en application du programme travailliste était de 25 millions de livres.

La municipalité a choisi de résister. Un premier volet de 600 emplois a été voté et d’autres aspects du programme, notamment dans le domaine du logement, ont été mis en chantier. Le financement devait être trouvé au moyen de ce qui allait devenir – à côté de la grève des mineurs – l’un des plus importants mouvements de la classe ouvrière contre la réaction thatchérienne. Les sections locales des Jeunes Socialistes, du Parti Travailliste et les organisations se sont mobilisées massivement pour soutenir la municipalité. Fin septembre 1983, les conseillers municipaux ont réuni 500 délégués syndicaux de la ville pour leur expliquer les enjeux de la lutte. Des réunions furent organisées devant les portes des entreprises, sur le port, devant les écoles, sur les places publiques. Plusieurs grandes manifestations ont été organisées. En face, le gouvernement et les médias capitalistes ont mené une vaste campagne de dénigrement et de mensonges pour discréditer « Liverpool la rouge ». Toutes sortes de « personnalités » furent mobilisés pour dénoncer le « communisme » ou « extrémisme  municipal », dont même… la Mère Théresa, du fin fond de Calcutta. Il ne fallait surtout pas soutenir des marxistes « athées » mais plutôt s’en remettre à Dieu !

Le 29 mars 1984, les syndicats et le conseil municipal ont lancé une grève générale pour montrer l’ampleur du soutien populaire pour la politique de la municipalité. Postiers, pompiers, travailleurs du bâtiment et de la construction navale, dockers, salariés des transports publics, routiers et travailleurs du secteur hospitalier se sont mobilisés. 50 000 manifestants ont marché vers l’Hôtel de Ville. Devant l’ampleur de la résistance, Thatcher – anxieuse aussi, face aux mineurs, de ne pas avoir à se battre sur plusieurs fronts à la fois – n’avait pas d’autre choix que de céder. Si on totalise les concessions faites à la ville de Liverpool au terme des négociations menées avec le gouvernement, elles représentent environ 90% de ce que la municipalité lui réclamait.

Bien évidemment, les mêmes méthodes de lutte, dans d’autres villes et dans d’autres circonstances, n’auraient pas nécessairement donné un résultat aussi favorable. Par ailleurs, une fois les mineurs vaincus, Thatcher est revenue à la charge contre la ville de Liverpool. Mais la lutte engagée demeure néanmoins une preuve qu’il ne faut pas se limiter au « réalisme » comptable, qui veut que même une municipalité de gauche « n’a pas d’autre choix » que de s’adapter à la réduction de son budget. L’autre choix, c’est la mobilisation des travailleurs. L’autre choix, c’est la lutte !

Greg Oxley

PCF Paris 10

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