Christophe Thivrier, le député en blouse

L’ histoire « officielle » oublie régulièrement les figures marquantes du mouvement ouvrier. Ce faisant, elle veut que les salariés pensent que toute rébellion au système en place mène à la catastrophe ou à l’échec. Seuls sont présentés les tyrans du style de Staline ou les romantiques mourant tête haute mais vaincus comme Che Guevara.

La rébellion (qui risquerait d’entraîner la révolution) serait donc à bannir, synonyme de sang, de guerre, d’abus de pouvoir etc.

Combien de rue Thiers, de boulevard De Gaulle sillonnent nos villes ? Une multitude ! Par contre pour trouver une rue Christophe Thivrier, vous devez habiter Commentry ou Montluçon.

Pourtant cet homme a un parcours remarquable à plus d’un titre et sa renommée mériterait de dépasser la ville qui l’a vu devenir maire ! Nul ne sait, pas même les bourbonnais, que celui qui fut le premier maire socialiste au monde est Christophe Thivrier.

En 1882, bien avant le congrès de Tours et la séparation entre communistes et socialistes, Christophe Thivrier fut élu maire d’une commune importante de l’Allier, Commentry, devenant ainsi le premier maire socialiste au monde.

Tour de force hors du commun lorsque l’on sait que la République n’était même pas encore un « acquis », que la commune de Paris avait été écrasée dans le sang 11 ans plus tôt et que le bonapartisme restait une idée bien ancrée en France.

Né en 1841, il put « apprécier » le caractère réactionnaire de l’empire. Il passa par plusieurs métiers, en débutant comme ouvrier mineur dès l’âge de 10 ans.

Faisant partie de la société secrète des Mariannes, qui défendait la République et les revendications ouvrières et était pourchassée par la police napoléonienne, son engagement l’obligea à trouver des travaux le rendant indépendant des sociétés des mines. Il fut donc tour à tour entrepreneur en bâtiment, huilier, boulanger, marchand de vin.

Il dut déménager régulièrement, les entreprises se « liguant » pour ruiner ces petits commerces dont il se servait pour défendre les ouvriers et leur venir en aide.

Son élection comme maire le rendit célèbre dans l’Allier mais son élection comme député en 1889 lui conféra une reconnaissance nationale.

Dès son arrivée à l’Assemblée Nationale, il fit la une du quotidien le Petit Journal, en se présentant dans la blouse bleue des ouvriers bourbonnais, respectant ainsi sa promesse aux mineurs de Bézenet (03). Lorsque l’huissier lui intima l’ordre de la poser, il rétorqua « quand l’abbé Lemire posera sa soutane, quand le général de Gallifet posera son uniforme, je poserai ma blouse ». Cet incident lui valut le surnom de « député en blouse ». Détail vestimentaire qui met bien en lumière qu’un représentant de la classe ouvrière, même au sein d’une institution bourgeoise s’il en est, doit rester un ouvrier !

Il refit la une du Petit Journal quelque temps après, en 1894, pour avoir crié « Vive la Commune » dans l’hémicycle, ce qui lui valut son exclusion.

Sensible au marxisme mais peu porté sur la théorie, il mettait en pratique le marxisme en étant avant tout un militant ouvrier « de terrain ». Il défendait les ouvriers dans et en dehors de ses mandats, son militantisme de terrain n’a malheureusement laissé que très peu d’écrits.

Mais le département de l’Allier reste très marqué par son travail (et celui de ses camarades) d’explication du socialisme, de démonstration de l’existence de la lutte des classes, de lutte active secrète ou non, de défense de la classe ouvrière et du rapprochement de celle-ci avec la paysannerie encore très présente dans le département.

C’est sûrement pour cela que ce département reste une fédération forte du PCF et l’un des 2 départements dirigés par un communiste.

Leur travail rendant l’idée du socialisme crédible dans la classe ouvrière locale, Paul Laffargue lui-même vint essayer de se faire élire dans une circonscription montluçonnaise.

La Riposte tient à rendre hommage à cet homme qui démontre que d’autres se sont battus et se battent encore dans des conditions encore plus difficiles que les nôtres, mais que le travail d’explication peut réussir, surtout quand il est porté par des hommes intègres qui ont compris qu’un mandat au sein des institutions bourgeoises ne doit servir qu’à les dénoncer et à faire progresser la condition ouvrière pour lui donner les armes de sa libération du joug capitaliste.

One thought on “Christophe Thivrier, le député en blouse

  1. iL FUT LE PREMIER MAIRE SOCIALISTE DE cOMMENTRY (à l’époque, SOCIALISTE NE VOULAIT PAS DIRE LA MÊME chose) Du coup la salle du conseil de la mairie est décorée de très belles fresques murales que vous pouvez aller admirer : http://www.regardactu.com/2014/04/claude-riboulet-nouveau-maire-de-commentry.html
    malheureusement aujourd’hui c’est un maire de droite qui préside aux destinées de cette ville. Longue vie à la Riposte.

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