La Grève au Royal Monceau

O n entend le son du djembé en passant devant le 37 avenue Hoche à Paris, où se trouve le luxueux palace Royal Monceau.

Une dizaine de salariés en grève depuis le 2 octobre occupent le trottoir dans le froid, interpellant les passants et inscrivant au marqueur leurs slogans sur des morceaux de carton. Les drapeaux CGT bien en évidence, ils font du bruit. Sinon « on va mourir ici sans que personne ne nous remarque », note amèrement Seydou. Il est élu CGT au comité d’entreprise, et occupe le poste d’équipier payé 1320 euros nets. Rien à voir avec les 1750 euros nets que touchent leurs collègues du Peninsula, autre établissement de luxe du fonds d’investissement Qatari Diar, propriétaire du palace.

Un salarié préférant garder l’anonymat explique qu’en tant que chef de rang au bar, il lui arrive fréquemment de se retrouver seul en salle avec 30 clients exigeants et « parfois hautains ». « C’est dans des moments comme ça qu’on crise », explique-t-il. Il ajoute que « les diplômés des écoles hôtelières ne postulent pas ici tellement c’est mal payé. Alors la direction embauche des salariés sous-qualifiés, et nous devons les former gratuitement. On a notre savoir-faire et notre savoir-être qu’on doit transmettre sans contrepartie, c’est honteux », fulmine-t-il. Il ajoute : « Mon manager essaie un peu de me manipuler pour que je revienne à l’intérieur. Il essaie de me faire croire qu’il y aura des sanctions sur les promotions, alors qu’au bar il n’y a pas de promotions ». « Les conditions de travail, c’est une catastrophe », vient me confier Chafikha, femme de chambre depuis 2010. « On doit nettoyer 8 chambres par jour en 7 heures de travail, avec seulement 40 minutes de pause dans la journée », indique-t-elle. « Le nettoyage d’une chambre classique demande 1 heure de travail. Les chambres sont très spéciales, les draps sont en lin, c’est compliqué », décrit cette élue CGT au comité d’entreprise. Seydou revient à la charge : « On demande 2 euros de plus par heure, et la direction ne nous accorde que 20 centimes ! ». Dans ce palace, la nuit revient à 850 euros minimum, et le prix peut monter jusqu’à 25.000 euros pour les suites les plus luxueuses. Outre des bas salaires, les employés subissent le manque de reconnaissance et de considération, en plus d’un management agressif. Les salariés en congés maladie ne sont pas remplacés et la surcharge de travail revient aux salariés présents.

Le mouvement est très suivi au sein de l’établissement et les soutiens sont nombreux chez les non-grévistes. Sur 393 salariés en tout, 70 ont fait le sacrifice de leurs salaires pour que tous puissent travailler et vivre dans de meilleures conditions. L’établissement a déjà perdu 2 millions d’euros de chiffres d’affaires et le directeur dit avoir les mains liées par les actionnaires. Mais dans le même temps, il attaque les grévistes en justice au prétexte que le djembé dérange les clients et les salariés non-grévistes. « Mais on va rester le temps qu’il faudra», promet Seydou.

Des salariés non grévistes passent et saluent leurs collègues grévistes. Une salariée participant au mouvement s’essaie au djembé. Une fois le rythme maîtrisé, elle regarde ses camarades d’un air espiègle et leur propose d’investir l’hôtel pour mieux se faire entendre.

RB, CGT Paris

 Post Scriptum : après 35 jours de grève, les grévistes ont obtenu une série de concessions de la part de la direction du palace ce qui fait qu’ils ont voté la fin du mouvement à l’unanimité. Les salaires ont été augmentés de 60 à 103 euros par mois, la mutuelle sera désormais prise en charge à 60% par la direction contre 50% actuellement, une prime de 150 euros sera accordée aux équipiers tandis que les femmes de chambre et valets obtiennent une prime de 6,5 euros par lit supplémentaire. Ajoutées au remplacement des congés maladie et formation, ces concessions constituent une victoire pour les salariés grévistes qui ont su relever la tête et dire non à l’exploitation pratiquée par leur direction.

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