Renault Cléon, une histoire du Parti communiste

Le maintien d’une cellule du Parti Communiste à l’usine de Renault Cléon, dans l’agglomération d’Elbeuf, a suscité notre intérêt. Nous avons tenu à rencontrer Robert Hazet, actuellement secrétaire de la section elbeuvienne du Parti communiste et Gérard Bazin. Ces deux anciens travailleurs et membres de la section PCF de Renault Cléon ont bien voulu partager quelques moments de leur expérience.

A l’époque où Robert arrive à Renault dans les années 70, le Parti Communiste est très organisé dans les entreprises et à plus forte raison à Renault. Le Parti est organisé en sections, composées de cellules prenant racine dans différents secteurs. Chacune des cellules rédigeait ses propres tracts en relation avec le secteur dans lequel elle se trouvait au quotidien. La section organisait elle aussi des distributions de tracts à l’intérieur de l’usine, dont les tracts qui étaient connus sous le titre de « le moteur et la boîte ».

Les liens entre la CGT et le PCF étaient très forts

Et pour cause : les militants communistes représentaient 90% des effectifs de la CGT, le parti faisant une de ses priorités le travail dans la CGT. De ce fait les militants communistes ont joué un rôle essentiel dans le développement de la CGT qui avait une très forte (et encore aujourd’hui) implantation parmi les travailleurs.

« Nous faisions des scores staliniens » plaisante Robert qui était alors secrétaire du syndicat. Cette implantation communiste dans le syndicat permettait d’orienter les revendications de la CGT ; néanmoins les communistes faisaient la distinction entre le travail dans la cellule et la section PCF et le travail dans la CGT. « Nous avions l’étiquette PCF et CGT sur le bleu de travail, ce qui est impensable aujourd’hui et ça passait bien aux yeux des salariés ». Là où les revendications de la CGT s’arrêtaient à des revendications sur les conditions de travail, sur la défense des intérêts des travailleurs, le parti emboîtait le pas pour aller sur des revendications plus générales comme sur les choix de stratégie et de politique industrielle dans l’entreprise. Renault était bien nationalisée à l’époque, mais le contrôle de l’entreprise échappait totalement à ses salariés.

Comme le souligne Robert, « c’est dans l’entreprise que se créait pour la plupart des gens le lien social ». C’est dans ce contexte que les camarades communistes ont fait leurs preuves auprès des travailleurs salariés, ce qui permettait au parti d’accroître sa crédibilité. L’action des communistes était également d’organiser des débats politiques, de faire des campagnes pour les différentes élections. Ces activités étaient principalement menées parmi les gens qu’ils avaient l’habitude de côtoyer et qui les connaissaient par expérience. Grâce à la défense des salariés qui était reconnue, le Parti faisait d’importants scores électoraux dans la région elbeuvienne. L’action politique à Renault était le moteur du développement du parti dans la région.

Il faut dire que l’action de près de 200 communistes dans une usine avait un fort impact sur la vie politique de la région !

Les communistes éprouvaient leur détermination et leur capacité à s’organiser lors des luttes.

« Nous n’étions pas reconnus par la direction, on s’imposait par le rapport de force » nous explique Gérard. Des luttes, il y en a eu un certain nombre, dont les plus importantes étaient contre l’ouverture du capital de Renault sous le gouvernement Rocard, contre un plan de licenciement en 1987-88, avec neuf mois de luttes parsemés de grèves et de stratégies de blocage qui ont permis de mettre en déroute, en partie, ce plan. En 1991, la lutte pour des augmentations de salaire s’est terminée par l’intervention des CRS après plus de trois semaines de blocage. Suite à cela, le ton s’est durci et la direction a mis en œuvre un plan pour restreindre les moyens d’action des travailleurs : mise en place de tourniquets à l’entrée des usines, interdiction de distribution de tracts dans les ateliers… autant de mesures qui démontraient la peur de la direction face à des grèves dont les communistes étaient les organisateurs.

L’implantation même de Renault à Cléon dans l’agglomération d’Elbeuf, entourée de la campagne, attirait des travailleurs plus habitués au travail en petit nombre dans les champs que dans de grandes concentrations d’ouvriers. On surnommait même ces nouveaux ouvriers « les betteraviers », rapport avec leur métier d’origine. De ce fait, ces travailleurs ont découvert un univers qu’ils ne connaissaient pas ; ils étaient jetés en plein cœur de la lutte des classes alors qu’ils étaient initialement dépourvus de conscience politique. Face aux luttes pour défendre leurs intérêts de travailleurs salariés, le parti les a dotés d’une conscience de classe. Ils comprenaient alors qu’ils avaient tous un intérêt commun, qui était en contradiction avec celui de ceux qui les exploitaient. Le PCF dans l’usine a joué un rôle d’éducateur politique, non pas seulement avec ces travailleurs venus des campagnes environnantes mais également avec les travailleurs immigrés, qui comprenaient que ce qui les unissait, l’appartenance à la classe ouvrière, allait au delà des différences de religion ou d’origines géographiques qui pouvaient exister.

Pendant cette époque plutôt « favorable », le parti a commencé à décliner, après la chute de l’URSS au début des années 90. Cette période est marquée par une sorte de discrédit du PCF, associé à la bureaucratie soviétique aux yeux de beaucoup, mais également par l’état de confusion qui régnait alors dans la tête de beaucoup de militants. L’idéal que défendaient ces militants s’effondrait alors, personne n’étant capable d’apporter une vraie analyse marxiste de la situation. C’est à ce moment que Robert Hue engageait la « mutation » du parti, avec une critique réformiste de ce qui avait été le parti auparavant. Il a réorienté le travail des communistes en dehors des entreprises. Les cellules et sections d’entreprise du parti étaient abandonnées par volonté politique.

A Renault Cléon, les militants étaient partagés. Il y avait ceux qui accompagnaient Robert Hue dans sa mutation et ceux qui étaient pour une ligne «orthodoxe». Ces derniers deviendront les Rouges vifs, et puis Action Communiste.

Tous les communistes cherchaient une issue politique à cette situation, recherchaient de nouvelles bases sur lesquelles s’appuyer, face à l’idéologie du capitalisme. Il est clair que la situation nécessitait une rigoureuse critique du stalinisme, mais fallait-il prendre un virage réformiste comme l’a fait Robert Hue? De notre point de vue, il est indéniable que la lutte contre le capitalisme doit se faire sur les bases des idées du communisme, c’est-à-dire les idées de Marx qui n’ont rien perdu de leur actualité. On s’enfonce de plus en plus profondément dans la crise du capitalisme. Les idées de Marx acquièrent une pertinence de plus en plus incontestable.

Aujourd’hui, la cellule de Renault Cléon revit. Elle dépend désormais de la section d’Elbeuf. Nous ne pouvons que nous féliciter de l’existence de cette cellule, de son histoire et de sa tradition de luttes, et nous encourageons nos camarades, anciens et nouveaux, à continuer ce combat pour la classe ouvrière.

Gauthier Hordel
PCF Rouen

One thought on “Renault Cléon, une histoire du Parti communiste

  1. L’article me laisse un peu dubitatif. Je le trouve un peu court, par exemple, sur les rapports entre la section du pcf et le syndicat cgt. Cette histoire reste a approfondir.
    jacky maussion. ANCIEN SECRETAIRE GENERAL DU SYNDICAT CGT RENAULT CLEON ET ANCIEN SECRETAIRE DE LA SECTION DU Pcf. ACTUELLEMENT PRESIDENT DE L’INSTITUT CGT D’HISTOIRE SOCIALE DE la Seine-Maritime.

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