Venezuela : la crise économique et la lutte pour le contrôle ouvrier

Frappée par la crise économique mondiale et la chute des recettes pétrolières, la révolution bolivarienne est entrée dans une phase critique. Après une série de nationalisations, c’est paradoxalement le secteur privé qui connaît la plus forte croissance, passant de 64,7% du PIB, en 1998, à 70,9% en 2008.

De fait, le secteur des services progresse, puisque les recettes pétrolières qui financent les programmes sociaux finissent par bénéficier aux commerces et aux banques, contrôlés dans leur immense majorité par les capitalistes.

Ce sont des entreprises capitalistes qui importent de l’étranger – à un taux de change qui leur est très favorable – les produits que consomment les Vénézuéliens, car ce sont encore les chaînes privées qui dominent la grande distribution, bien que les distributeurs publics Mercal et Pdval jouent un rôle non négligeable dans la commercialisation des produits de base.

Les capitalistes organisent le sabotage de l’économie, en n’investissant plus dans l’appareil productif, en privilégiant l’importation et en stimulant une inflation qui efface les augmentations de salaire octroyées par le gouvernement. En outre, les capitalistes organisent le détournement des produits « nationaux » – dont le prix est fixé par l’Etat – vers la Colombie, où les prix sont libres. C’est le cas du café et du riz, par exemple.

Le gouvernement vénézuélien nationalise de plus en plus d’entreprises accusées de sabotage, abandonnées (Fama de America, Cargill, Inaf…) ou encore considérées comme stratégiques pour son économie (Banco de Venezuela, Cemex, Sidor, CanTV…). Mais en dehors des cas où les travailleurs occupaient et géraient déjà eux-mêmes les entreprises, avant leur nationalisation, soit les anciennes directions restent en place, soit des directions bureaucratiques les remplacent. Dans les deux cas, ces directions participent au sabotage économique et aux détournements. Le cas le plus flagrant est celui de l’électricité, où d’incessantes coupures perturbent le quotidien des Vénézuéliens. Plus de 50% de la production est « perdue » ou déviée. Les installations sont vétustes, certes, mais des quantités considérables d’électricité sont détournées au profit de grosses entreprises industrielles privées.

Cette situation souligne l’importance cruciale du contrôle ouvrier. Des organisations syndicales et des collectifs de travailleurs exigent la mise en place de mécanismes de contrôle, par les travailleurs, des organes de gestion des entreprises nationalisées. Ils veulent en finir avec la mauvaise gestion, les gaspillages, les détournements, la corruption et les abus de biens sociaux. Ils exigent l’ouverture des livres de compte, la transparence sur la stratégie commerciale et industrielle des entreprises, ainsi qu’une présentation régulière des bilans de gestion.

Cette question a été largement abordée au Congrès extraordinaire de l’UNT (Unión Nacional de Trabajadores), la principale centrale syndicale du Venezuela. Dans le secteur de l’électricité, par exemple, les travailleurs sont en lutte pour le contrôle ouvrier depuis plusieurs mois. Et en octobre 2009, à Carabobo, les travailleurs en colère ont organisé une manifestation et ont chassé la direction de Corpelec-cadafe (l’entreprise électrique nationale).

Après 11 ans de révolution – et de nombreuses tentatives contre-révolutionnaires –, il y a des signes clairs que les masses sont frustrées par la lenteur du changement. La crise du capitalisme sévit. Beaucoup de travailleurs sont écœurés par la bureaucratie et la corruption qu’ils voient partout, y compris au sein du mouvement bolivarien lui-même. Récemment, lors de la faillite de quatre banques causées par des malversations financières, il s’est avéré que l’une d’elles était dirigée par Arné Chacón, le frère de l’ex-ministre des Sciences et de l’Industrie.

C’est dans ce contexte que s’est ouvert le Congrès extraordinaire du PSUV, où Chavez a appelé à approfondir la révolution, à accélérer le mouvement vers le socialisme – et même à la création d’une « Cinquième Internationale ». Mais au-delà des discours, des mesures partielles et des palliatifs, des actes décisifs sont nécessaires. La révolution est en danger. Elle ne peut être victorieuse qu’en rompant avec le capitalisme, en portant un coup mortel à l’oligarchie et à la bureaucratie, c’est-à-dire en socialisant les grands moyens de production et d’échange, sous le contrôle démocratique des travailleurs, à tous les niveaux.

Bruno. A (PCF 95)

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