L’Iran dans le collimateur du Pentagone

Le 21 février dernier expirait l’ultimatum que l’ONU avait adressé à l’Iran, exigeant que ce pays mette un terme à son programme d’enrichissement de l’uranium. Le 26 février, les chefs de la diplomatie des six principales puissances impérialistes – Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie, Chine et Allemagne – se réunissaient à Londres pour étudier les suites à donner à l’obstination de l’Iran. Les puissances occidentales appellent à de nouvelles sanctions, cependant que la Chine et la Russie souhaitent se limiter à celles – relativement « modérées » – qui ont été prises il y a deux mois, et qui préservent leurs intérêts économiques en Iran.

La secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, affichait son assurance de voir ces six puissances aboutir à un accord sur des sanctions renforcées contre l’Iran, et insistait sur la nécessité « de poursuivre sur la voie du Conseil de Sécurité ». Mais dans le même temps, le vice-président Dick Cheney affirmait que toutes les options, y compris l’option militaire, restaient « sur la table ». Et malgré les multiples dénégations de George Bush au sujet de préparatifs militaires contre l’Iran, le fait est que le président des Etats-Unis a ordonné l’envoi d’un ensemble de navires de guerre dans le Golfe Persique, dont un deuxième porte-avions et des missiles « patriot », destinés à contrer une riposte iranienne. Ce sont des signes clairs que la clique de la Maison Blanche étudie sérieusement la perspective de bombarder l’Iran.

Nous ne pensons pas que les Etats-Unis envahiront l’Iran. S’ils s’y risquaient, ils se heurteraient à un peuple qui se battrait jusqu’à la mort pour chasser l’envahisseur. En outre, l’Iran dispose d’une puissante armée, capable de résister aux forces américaines et de leur infliger de très grosses pertes. Teheran a récemment acheté des missiles capables de frapper les navires de guerre américains dans le Golfe Persique.

Une invasion terrestre en Iran est par conséquent exclue. Mais des frappes aériennes ne le sont pas. Washington et Tel Aviv sont très inquiets par la perspective que l’Iran se dote de l’arme nucléaire – et le régime d’Arabie Saoudite l’est encore plus. Discours après discours, le président américain explique que l’Iran représente un danger pour ses voisins et pour les intérêts américains dans la région. George Bush et la clique droitière qui le conseille portent contre l’Iran les mêmes accusations que celles portées contre l’Irak avant son invasion. Ils menacent ouvertement l’Iran d’une « frappe préventive » contre des installations dont ils prétendent savoir qu’elles fabriquent des armes nucléaires. Il est possible qu’à un certain stade, ils mettent ces menaces à exécution, soit directement, soit par le biais de l’aviation israélienne.

L’Iran, de son côté, multiplie les effets d’annonce sur ses derniers succès dans les domaines nucléaire, militaire et spatial. Le fiasco de la guerre en Irak et la défaite israélienne au Liban, l’été dernier, renforcent la position de l’Iran. Un parlementaire iranien a laissé entendre qu’en cas d’agression militaire, l’Iran utiliserait les communautés Chiites des pays voisins – Afghanistan, Arabie Saoudite, Koweït, Bahreïn et surtout Irak – pour s’attaquer aux intérêts américains, et perturberait la circulation du pétrole par le détroit d’Ormuz. Quoiqu’il en soit, des frappes aériennes en Iran aggraveraient considérablement l’instabilité politique et sociale, dans la région.

Débâcle en Irak

L’une des raisons de ces nouvelles menaces réside dans la défaite que subissent les Etats-Unis en Irak. Bush s’efforce de faire du soutien de l’Iran aux insurgés irakiens la cause de tous ses problèmes. Il reproche à l’Iran d’armer l’insurrection irakienne et de « menacer l’intégrité territoriale » de l’Irak. Fin janvier, Georges Bush déclarait : « si l’Iran poursuit ses actions militaires en Irak, nous répondrons avec fermeté ». En janvier, en Irak, un consulat iranien a été investi par les troupes américaines, et des diplomates ont été arrêtés.

En fait, avec ou sans l’implication des Iraniens, l’insurrection irakienne continuera d’infliger des pertes aux soldats américains. La classe dirigeante américaine en est de plus en plus consciente. Elle cherche fébrilement une voie hors de cette impasse sanglante – et coûteuse. Elle s’alarme des dangers que cette impasse fait courir à la domination américaine sur le Moyen-Orient et ses ressources.

Dans une tentative d’injecter quelques éléments de pensée rationnelle dans leur politique, les impérialistes américains ont mis en place une commission spéciale sur l’Irak, « l’Iraq Study Group » (ISG), co-présidé par James Baker, un ancien secrétaire d’Etat américain. L’ISG, qui réunit démocrates et républicains, en est arrivé, en substance, à la conclusion suivante : « Nous avons perdu la guerre en Irak : il nous faut accepter ce fait. Il serait insensé de poursuivre une guerre qu’on ne peut pas gagner. Nous devons retirer nos troupes au plus vite. Cela signifie que nous devons avoir, en Irak, un gouvernement de coalition. Mais cela ne sera pas possible sans l’aide de l’Iran et de la Syrie. Il nous faut donc discuter avec ces régimes. »

La mise en place d’un accord avec la Syrie et l’Iran serait loin d’être une tâche facile. Cependant, du point de vue des intérêts de l’impérialisme américain, les conseils de l’ISG sont justes. Mais quelle a été la réaction de George Bush ? Il a balayé d’un revers de main le rapport de l’ISG et a proposé d’engager 20 000 soldats supplémentaires en Irak. Cet effort dérisoire est voué à l’échec. En fait, même si Bush envoyait quatre fois plus de soldats américains, cela ne changerait rien. En outre, ces soldats n’existent pas. L’armée est de plus en plus éprouvée. Le recrutement de nouvelles troupes est une tâche toujours plus ardue, ce qui conduit l’Etat-major américain à être peu regardant sur la qualité des postulants. Les équipements s’usent, en Irak, à une très grande vitesse, et la démoralisation se répand chez les soldats. Enfin, la guerre coûte un peu plus chaque année : 120 milliards de dollars en 2007. Même une super-puissance comme les Etats-Unis ne peut soutenir indéfiniment une telle situation.

Opposition croissante aux Etats-Unis

La situation actuelle expose également le caractère fallacieux de l’opposition entre démocrates et républicains. Bush et les républicains ont subi une défaite écrasante, lors des élections de novembre dernier, en raison de l’impopularité de la guerre. Pourtant, bien que majoritaires au Congrès, les démocrates continuent de voter les crédits toujours plus lourds nécessaires à l’occupation de l’Irak. Les démocrates représentent, comment les républicains, les intérêts de la classe capitaliste. Ils étaient favorables à l’invasion de l’Irak. Aujourd’hui, malgré tous leurs discours sur la nécessité d’un changement de politique en Irak, ils maintiennent leur soutien à l’occupation. Jusqu’à présent, la majorité démocrate s’est contentée de voter des résolutions non contraignantes et qui visent, selon l’expression du sénateur Joseph Biden, à « montrer que Georges Bush est seul ».

Le prix de cette politique étrangère est et sera payé par les travailleurs américains, qui subissent une baisse des budgets sociaux et des attaques à répétition contre leur niveau de vie. Dans ce contexte, l’opposition à la guerre et à Bush se développe rapidement. C’est la raison pour laquelle l’establishmenta soudainement jeté son dévolu sur un candidat afro-américain « radical », Barack Obama. Le but est redorer le blason du « bipartisme » américain – en réalité, un système de parti unique – et de capter les voix des mécontents. Mais c’est la dernière fois qu’ils pourront recourir à cette astuce éculée. Quelle que soit la fraction de la classe dirigeante américaine qui remporte les prochaines élections – républicains ou démocrates – la période à venir sera extrêmement turbulente, aux Etats-Unis et dans monde.

Yazid Malek

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